Pour comprendre
ce que signifie le qualificatif de "viscoélastique" que l'on attribue au comportement
du muscle au repos, il faut commencer par expliquer ce qu'est un comportement
élastique.
Une élasticité
par comme les autres
Lorsque
vous prenez un élastique entre le pouce et index de vos mains et que vous exercez
une traction sur celui-ci, vous sentez que plus vous tirer dessus, plus il oppose
de résistance à l'allongement. Dans ce cas, la relation liant la variation de
force à la variation de longueur est linéaire et parfaitement réversible (Figure
1A). La pente de cette relation linéaire représente ce que l’on appelle
la raideur (ΔF/ΔL). Son inverse est l’extensibilité ou compliance
(ΔL/ΔF), et se trouve illustrée par la Figure 1A.
Figure 1 : Comportements élastique linéaire (A) et non linéaire
(B) (D'après Goubel et Lensel-Corbeil, 1998).
Paramètres influençant le comportement d'un tissu visco-élasticité
La vitesse à laquelle l’étirement est réalisé et le traitement
mécanique antérieur (degré et sens de la déformation au moment où
on l'étire) du muscle ont eux aussi leur importance. Plus l’étirement
est rapide, plus la résistance est élevée, comme si quelque chose s’opposait
à l’allongement proportionnellement à la vitesse appliquée. Ce phénomène est
connu sous le nom de viscosité.
Aussi, selon qu’on se trouve en phase d’allongement ou de relâchement, la force
de tension ne sera pas la même, et les courbes à aller et au retour ne vont
plus se chevaucher. Ce phénomène est appelé hystérésis (Figure 2). Dans
ce cas, les phases d'allongement et de relâchement ne passent pas par le même
endroit et les courbes ne se chevauchent plus. L'écart entre celles-ci va dépendre
de la vitesse de mobilisation muscle.
Figure 2 : Comportement visqueux à faible vitesse d'allongement
(A)
et grande vitesse d'allongement (B) (D'après Goubel et Lensel-Corbeil, 1998).
Cette résistance à l’allongement siège à différents endroits
du muscle : la trame de tissu conjonctif enveloppant les différents éléments
anatomiques du muscle dont les fibres élastiques sont progressivement recrutées
(sarcolemne, endomysium, épimysium, périmysium), et les tendons.
Température et thixotropie
L’augmentation de température permet de diminuer la force
que l’on doit exercer pour étirer le muscle à une longueur donnée et diminuer
le temps de relaxation musculaire. En d’autres termes, le muscle est plus facile
à étirer lorsqu’il est chaud (diminution de la viscoélasticité) et il met moins
de temps à revenir à sa longueur initiale avec l’augmentation de sa température.
L’optimum de ces effets est atteint à partir de 35°C chez le rat. Aucune mesure
n'est disponible chez l’homme. Il existe évidemment des différences en fonction
des muscles suivant leur composition en fibres musculaire, lentes et/ou rapides.
Mais les effets sont néanmoins significatifs quel que soit le type de fibres.
Ces effets sont attribués aux propriétés thixotropiques du muscle. La thixotropie
est une propriété attribuée à certains gels, et qui pourraient correspondre
à ce que l’on observe au niveau du muscle. Un gel devient plus fluide quand
il est secoué (pensez par exemple à une certaine sauce tomate qui coule plus
facilement de sa bouteille lorsque celle-ci a été remuée énergiquement au préalable).
A l’inverse, si la bouteille reste inutilisée pendant un certain temps, le gel
sort de nouveau difficilement. L’augmentation de raideur musculaire pourrait
se faire selon un mécanisme qualitativement similaire. Le réarrangement moléculaire
dans le muscle peut impliquer le développement de liens stables entre les filaments
d’actine et de myosine. Avec l’inactivité, le nombre de liens entre ces filaments
augmente et avec eux la raideur musculaire. Cependant, avec un bref étirement
ou une période d’activité physique, plusieurs liens, sinon tous, sont brisés
et la raideur musculaire diminue. En effet, les mouvements moléculaires sont
facilités par l’augmentation de température.
L’un des objectifs de l’échauffement serait donc de minimiser
la raideur musculaire en mobilisant les principaux groupes musculaires. L’échauffement
perturbe les liens actine-myosine qui se sont développés au repos et réduit
ainsi la raideur passive du muscle. Le fait que nous préférions commencer une
activité ou un mouvement par un échauffement impliquerait que le système nerveux
préfère contrôler le muscle quand il est dans un état de raideur passive minimal.
A l’opposé, une augmentation de raideur due à l’inactivité rend les muscles
moins réceptifs aux perturbations et peut rendre le contrôle postural plus facile.
Influence sur la relation Force-Vitesse (muscle actif).
La température a un effet sur la relation force-vitesse. Cette relation montre
que la vitesse à laquelle un muscle se raccourcit dépend de la force qui lui
est opposée ; en d’autres termes, plus la charge à mobiliser est lourde plus
la vitesse de raccourcissement est faible. C’est une expérience que l’on fait
quotidiennement : on bougera plus rapidement un crayon qu’une barre de musculation
! Lors de l’échauffement, l’élévation de température va entraîner une augmentation
de la vitesse de raccourcissement musculaire. Ainsi, il devient plus aisé de
mobiliser les muscles (et les segments corporels) lorsque leur température est
suffisamment élevée.