Nous allons passer en revue, dans cette page et dans celle qui va suivre, les raisons de l'adaptation spécifique à l'entraînement de force que l'on observe au niveau du muscle en commençant par les mécanismes nerveux.
Durant une séance d'entraînement, le sujet doit répéter un certain nombre de fois un geste précis avec ou sans charge. Cette simple répétition constitue un premier moyen pour augmenter la force musculaire. Comment cela est-il possible ?
L'une des méthodes généralement utilisées pour examiner ce genre de mécanismes
d'adaptation est de comparer la vitesse des changements de plusieurs
paramètres physiologiques en parallèle. Par exemple, on peut mesurer
l'aire de la section transverse d'un muscle (mesure assez fiable de l'hypertrophie
musculaire), le signal EMG enregistré lors d'un test de force maximal et l'évaluation
de la force obtenue au cours d'une contraction maximale volontaire (CMV), pour
ensuite voir comment ces mesures évoluent avec l'entraînement.
Généralement, on observe que :
1°) le signal EMG varie bien avant que ne se manifeste un changement de taille musculaire ;
2°) le changement au niveau de l'EMG est généralement plus important que celui
des autres paramètres ;
3°) il peut y avoir un changement d'EMG et de force avec un programme d'entraînement qui est trop court pour induire des changement morphologiques (Häkkinen et Komi 1983 ; Häkkinen et coll. 1985 ; Rutherford et Jones 1986).
Par exemple, la figure 1 montre le décours temporel du changement de l'aire de la section transverse (ST) du quadriceps femoris (déterminé par 1RM), l'EMG intégré (EMG), et le maximum de force isométrique (CVM) après 60 jours d'entraînement et 40 jours de désentraînement (Naraci et coll. 1989). Dans cette étude, l'augmentation de l'EMG était considérablement plus grand que l'augmentation de la taille musculaire. Ces observations suggèrent qu'il est possible d'obtenir une augmentation de force sans une adaptation dans le muscle mais jamais sans une adaptation dans le système nerveux.
Figure 1 : Changement de
l'aire de la section transverse du quadriceps femoris, de l'EMG intégré
du vastus lateralis durant une contraction maximale, et la force de contraction
volontaire maximale
durant un entraînement isocinétique et le désentraînement
('après Narici et. coll., 1989).
Contractions simulées
Des résultats, relativement nombreux aujourd'hui, montrent que le simple fait
d'imaginer son biceps en train de se contracter suffit, après quelques
séances, à augmenter la force du muscle. Les gains obtenus sont quasi
similaires à ceux correspondant aux conditions réelles de contraction. Ce phénomène
nous rappelle que la contraction musculaire est avant sous le contrôle du
SNC et que la contraction imaginée peut permettre d'augmenter la quantité
d'influx envoyé vers le muscle grâce à la concentration mentale.
Coordination
Après un entraînement de 12 semaines utilisant un mouvement d'extension bilatéral du genou à une intensité de 80% de la CMV, il a été montré que l'augmentation de la force était principalement due à une amélioration de la coordination associée à l'extension du genou contrôlée par le SNC. En effet, le test de force avait été réalisé en isométrique alors que l'entraînement avait utilisé un travail dynamique. Or, nous savons maintenant qu'il n'y a pas de transfert de force entre ces deux types de travail musculaire.
Coactivation
Quand un sujet
réalise une contraction volontaire maximale, il y a une activité EMG significative
dans le muscle antagoniste (Dimitrijevic et coll., 1992 ; Carolan et Cafarelli
1992). Cette activité a un effet négatif sur l'estimation de la force parce
que sa mesure durant un test représente la valeur nette (la différence) due
à l'action des groupes agonistes-antagonistes. Par conséquent, une augmentation
apparente de la force (force nette) pourrait être due simplement à une réduction
de l'intensité de la coactivation au profit des agonistes.
Synchronisation des UMs
Il faut se rappeler
que, avec l'entraînement, les UMs apprennent progressivement à travailler ensemble
pour que la force développée par chacune d'elles puisse contribuer à la production
de la force nette (globale) du muscle. Elle correspond à la synchronisation
temporelle des potentiels d'action venant de plusieurs UMS. Un haut degré de
synchronisation signifie que les UMs tendent à se contracter quasiment au même
moment (Milner-Brown et coll., 1973 ; Milner-Brown et coll., 1975 ; Datta et
Stephens, 1990 ; Nordstrom et coll., 1992). Cette synchronisation des activités
des UMs s'améliore avec la répétition du geste proposé à l'entraînement et intervient
donc préférentiellement au début du programme d'entraînement (Sale, 1988).
Modification de l'activité reflexe
Ces mécanismes nerveux, qui sont mis en jeu dès le début l'entraînement, permettent d'expliquer pourquoi il est souvent observé une augmentation de force alors qu'il n'y a pas d'hypertrophie musculaire que ce soit chez les enfants, les adolescents ou chez les adultes.