Courbatures
Description
Ce sont des douleurs qui surviennent
lors de la reprise de l'entraînement après une période de vacances ou
de convalescence, ou l'introduction de formes nouvelles d'activés ou
mouvements dans les séances. Ainsi, les courbatures sont généralement
les plus élevées suite à des mouvements inhabituels et intenses. Elle
atteint un paroxysme dans les 12 à 48 h qui suivent la fin de
l'exercice et disparaissent généralement en 5 à 7 jours. Aucune preuve
n'existe d'éventuelles séquelles permanentes liés à ce traumatisme.
Dommages intramusculaires
Il a été démontré que l'intégrité de la cellule musculaire était touché
lors de l'apparition des courbatures. Puisque l'acide lactique a
disparu dans l'heure qui suit l'arrêt de l'exercice, il n'est en rien
responsable de ces douleurs. Il faut donc aller chercher ailleurs les
causes possibles de leur apparition.
Dès 1902, il a été suggéré que les courbatures résultaient de dommages
siégeant au sein des fibres musculaires. On sait aujourd'hui que
l'exercice excentrique est responsable des dommages à l'origine des
courbatures. Pendant ce type d'exercice, le muscle est soumis à de très
fortes tensions tout en subissant un allongement sous l'effet d'une
force extérieure supérieure à la force maximale isométrique qu'il est
capable de produire. Ce phénomène est illustré par la relation force-vitesse. Lors de
l'exercice excentrique, il y a moins d'unités motrices actives car il
nécessite moins d'énergie pour générer la contraction musculaire. De
même, du fait de l'allongement des sarcomères, il y a moins de ponts
d'acto-myosine formés et donc moins de possibilités de produire une
force. Ces deux facteurs résultent en une diminution de la capacité du
muscle à s'opposer à une force extérieure qui lui est supérieure comme,
par exemple, lors d'une course en descente. Le pic de tension est
atteint en moins de temps par rapport à une contraction concentrique.
Ceci suggère, par conséquent, que la contraction excentrique
sollicite non seulement la composante contractile a son maximum mais
également la composante élastique en série qui se trouve alors dans
l'obligation de supporter le plus fort de la contrainte imposée au
muscle. Le pic de tension dépendrait non pas de la vitesse
d'allongement mais plutôt de l'étirement du sarcomère au moment où est
appliquée la résistance externe.
La composante élastique série siège au sein du tissu conjonctif du
squelette cellulaire (ou cytosquelette). Ce dernier est formé par les
filaments de la matrice
extracellulaire. On pense que, sous l'effet de la tension exercée
sur les sarcomères, les filaments de desmine vont se rompre, entraînant
alors une déstructuration des lignes Z de la fibre musculaire. C'est en
tout cas ce que montrent les images (ci-dessous) obtenues à la suite
d'exercices excentriques que ce soit pendant un entraînement de force
maximale ou à la suite d'un marathon. On y voit clairement la
déstructuration de l'agencement des myofilaments au sein des sarcomères.
Rupture des filaments intermédiaires de
desmine
(d'après Friden et Lieber 2001)
Ce sont donc des facteurs mécaniques qui seraient à l'origine des dommages induits par l'exercice à la fibre musculaire. La rupture de certaines membranes musculaires (mesurée indirectement par la présence de protéines conjonctives ) comme le réticulum sarcoplasmique qui enferme le calcium nécessaire à la contraction musculaire, provoqueraient un déséquilibre dans de l'homéostasie calcique de la fibre. Des médiateurs de l'inflammation augmenteraient de leur côté les dommages dans les jours qui suivent l'exercice. Un oedème apparaîtrait également après la rupture de membranes musculaires. La réaction immunitaire qui s'en suit localement initie notamment le nettoyage de la zone lésée pour permettre la cicatrisation et la consolidation des fibres musculaires.
Atteintes de la fonction musculaire
Elle
s'accompagne d'une augmentation d'une incapacité à produire une force
maximale et d'une augmentation de la raideur musculaire. Ces
changements seraient dus à une altération du couplage
excitation-contraction (il faut se rappeler qu'il y a un déséquilibre
de l'homéostasie calcique, or c'est la libération de calcium dans la
fibre musculaire après qu'elle ait été stimulée par le nerf qui permet
la libération des sites d'union entre les myofilaments) et de la
fonction ou formation des ponts d'union entre l'actine et la myosine.
La force musculaire peut chuter à 50-60% de la force maximale
immédiatement après l'exercice, chute qui peut se prolonger au-delà de
10 jours après l'exercice. La douleur elle-même n'apparaît que 2 ou 3
jours après la fin de l'exercice et ne peut donc pas être responsable
de cette diminution de force. Par ailleurs, la force chute
immédiatement après l'exercice. De plus, la chute de force
perdure après que la douleur ait disparu !
La raideur augmente immédiatement après l'exercice et reste élevée
pendant 4 jours. La raideur et l'oedème ne sont pas liés contrairement
aux premières hypothèses formulées à ce sujet. Le volume musculaire
continue d'augmenter après l'exercice et ce jusqu'au 4e jour, alors que
la raideur augmente immédiatement après l'exercice et reste identique pendant
les 4 premiers jours. Une étude menée chez l'animal a permis d'estimer
le nombre relatif de ponts d'union entre l'actine et la myosine en
mesurant instantanément la raideur durant une contraction isométrique
précédant immédiatement une contraction excentrique du muscle soléaire.
Il y eut seulement une diminution de 30% de la raideur musculaire, mais
la force isométrique avant l'étirement diminua de 85 % durant les 30
min d'exercice excentrique. Il y a donc une forte diminution du nombre
de ponts d'union pouvant s'attacher et générer une force. En d'autres
termes, les ponts d'union se forment mais les têtes de myosine ne
peuvent produire de force. Il a été suggéré que le bénéfice
lié à la formation des ponts d'union serait que le muscle pourrait s'en
servir comme d'un "frein" pour résister à l'allongement et prévenir
ainsi les risques de blessure.
Traitement
A ce jour, aucun
traitement ne s'est avéré efficace à 100 % pour empêcher l'apparition
des courbatures. Cependant certains résultats sont prometteurs et
demandent à être approfondis.
Les pistes
suivies s'orientent vers l'utilisation :
• de l'échauffement ;
• des étirements (post-exercices) ;
• de certaines techniques de massage ;
• de la glace ;
• de bandes compressives ;
• des ultrasons ;
• de
l'électrostimulation ;
• d'analgésiques par
voie orale ;
• d'anti-inflammatoire non stéroïdiens (AINS) ;
• ou toute autre combinaison de l'un ou plusieurs d'entre eux.
Prévention
Comme nous l'avons
dit, il n'existe aucun traitement ou médicament pour prévenir les
courbatures. Mais, différents conseils peuvent être tirés de la
littérature scientifique relative aux effets de l'exercice excentrique
sur la fonction musculaire et sur la récupération qui s'en suit les
jours suivants.
L'entraînement
La meilleure mesure préventive est de s'entraîner régulièrement.
Il est largement accepté que la courbature est le résultat d'un
exercice inhabituel et/ou une augmentation de l'intensité de
l'entraînement (qui peut être par exemple l'augmentation d'une charge
soulevée ou une augmentation de la distance parcourue). Elle apparaît
généralement après les premières heures d'un programme d'entraînement
surtout si celui-ci comporte une large proportion de travail
excentrique. Cependant, certains types d'exercice provoquent moins de
dommages des fibres musculaires que d'autres et devraient donc être
largement utilisés dans les premières phases d'entraînement ou de
rééducation. C'est pourquoi on peut conseiller de commencer
l'entraînement par les mouvements à dominante concentrique, puis
isométrique, enfin excentrique. Mais cela n'est pas toujours possible
suivant la spécialité sportive.
La
variation progressive de la sollicitation
On sait également que les dommages musculaires induits par l'exercice
surviennent lorsque les muscles sont en position d'allongement.
Donc, il peut être proposé d'initier un programme d'entraînement
utilisant des muscles spécifiques à des positions raccourcies avec des
charges moyennes, puis d'augmenter graduellement l'amplitude de
mouvement à chaque session d'entraînement, jusqu'à ce que le muscle
soit activé sur son amplitude totale de travail.
L'effet préventif de l'exercice excentrique lui-même
L'entraînement agit de façon préventive pour réduire les courbatures.
Les études menées chez l'animal et chez l'homme ont clairement démontré
que des phénomènes d'adaptation sont initiés dès les premières heures
qui suivent la fin de la séance. Les physiologistes les appellent "effets
de la répétition de la séance" ("repeated bout effect").
Ainsi, l'exercice provoque moins de dommages intramusculaires lors de
la seconde répétition.
Les théories proposées pour expliquer ce phénomène concerne les
adaptations neurales, les adaptations du tissu conjonctif,
les adaptations cellulaires, etc. Pour l'heure, il semble
qu'aucune théorie ne puisse expliquer à seule l'effet de la répétition.
Il est fort possible que cet effet résulte de l'interaction entre
plusieurs facteurs nerveux, conjonctif ou cellulaires dépendant des
particularités de l'exercice excentrique et des groupes musculaires
spécifiquement impliqués.
Cependant, de
nouveaux résultats recueillis chez le rat ont montré que, dès les
heures qui suivent l'arrêt d'une séance de 30 contractions
excentriques, la desmine (filament intermédiaire de la
matrice extracellulaire de la fibre musculaire) subit des dommages
et une restructuration très rapide qui aboutit à sa
consolidation. Cette pourrait fournir une explication structurelle à
l'effet protecteur observé dans le muscle suite à la répétition d'un
même exercice.
Par ailleurs, les données recueillies sur la spécificité des réactions
des différents types de fibres musculaires à l'exercice excentrique
corroborent ce que nous venons de décrire concernant notamment la
consolidation de la strie Z suite à l'entraînement excentrique. Les
fibres musculaires de type I semblent moins touchées par l'exercice
excentrique. Pour autant, il ne semble pas que ce soit pour des raisons
de préférences au niveau métabolisme énergétique. Ce n'est pas parce
qu'elles ne produisent pas d'acide lactique qu'elles sont plus
résistantes aux dommages induits par l'exercice. Par contre, il est
connu que la proportion de tissu conjonctif est plus importante dans
les fibres de type I que les fibres de type II, notamment au niveau du
cytosquelette comme la strie Z. Ainsi, elles seraient mieux protégées
car leur constitution est capable de mieux encaisser les allongements
imposés.
La programmation préalable de quelques séances de contraction
excentriques maximales pourrait alors produire un effet
protecteur (une sorte de préconditionnement) qui limiterait
les symptômes subséquents à une future série d'exercices excentriques,
plus intense. Ceci est très important car la majorité des activités
sportives impliquent une large composante excentrique de haute
intensité.
L'effet préventif de l'échauffement et de la souplesse
La raideur semble prédisposer le muscle aux dommages induits par
l'exercice excentrique. C'est ce qu'une étude récente a montré chez des
sujets peu raides, moyennement raides et très raides. A la suite d'une
séance d'exercices excentriques ce sont les sujets les plus raides qui
ont été les plus sévèrement touchés au niveau diminution de la force,
douleur musculaire, sensibilité musculaire, élévation de l'activité de
la créatine kinase.
Or, on sait que l'échauffement et les exercices
de souplesse peuvent réduire de façon efficace cette raideur
musculaire. Aussi, des exercices appropriés tant d'échauffement que de
souplesse des groupes musculaires les plus impliqués dans l'activité
physique pourraient réduire les symptômes des courbatures. C'est en
tout cas ce que suggèrent deux études récentes menées chez l'homme par
l'équipe de McHugh du Nicholas Institute of Sports Medecine and
Athletic Trauma (Lenox Hill Hospital) à New York (USA).
Conclusion
La sévérité des symptômes liés aux courbatures pourrait être limitée
par :
• le maintien d'une bonne souplesse au
niveau musculaire, spécialement celles des groupes impliqués dans
l'activité physique ou sportive visée ;
• le préconditionnement des principaux
groupes musculaires avec quelques contractions excentriques de haute
intensité une ou deux semaines avant la programmation de séances
difficiles ;
• l'utilisation d'exercices
d'échauffement spécifiques des principaux groupes musculaires
immédiatement avant les premières sessions d'entraînement ou de jeu.
Loin d'être un traumatisme, les courbatures doivent être considérées comme un signal précurseur de mécanismes d'adaptation du muscle aux contraintes qui lui sont imposés, qui auront pour effet d'augmenter la capacité du muscle à résister aux contraintes qui résultent notamment de l'exercice excentrique.
Bibliographie